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[ESCAPADE HOLLANDAISE🇳🇱]

Keukenhof – L’ivresse des tulipes et la mémoire des bulbes


C’est un matin de printemps où l’air semble saturé de lumière et de promesses. À peine franchi le seuil du parc de Keukenhof, un frisson floral me parcourt. Tout ici n’est que festival de couleurs et de senteurs. Des milliers, des millions de pétales dansent sous la brise. Les tulipes, en habits de velours, de flamme ou de porcelaine, s’alignent en rangs rêveurs. On marche comme dans un tableau de Monet, version néerlandaise, les yeux écarquillés, les narines ravies.

Il suffit d’un pas hors du train pour que l’air se parfume d’une douceur insoupçonnée : celle des fleurs en liesse. Le parc s’éveille dans un éclat de couleurs qui ferait pâlir un arc-en-ciel. Bienvenue dans l’un des plus grands jardins floraux du monde, où la tulipe est reine, et l’émerveillement une évidence. Ici, chaque allée est un tableau vivant. Les tulipes aux franges dentelées flirtent avec les variétés doubles comme des ballerines en tutu, tandis que les parrot tulips, torsadées de feu, offrent un spectacle flamboyant. Un festival olfactif s’élève du sol : subtil, vert, presque sucré. L’odeur du printemps n’est pas une légende – elle se respire ici, dans la terre grasse des bulbes, dans la promesse d’un renouveau.


La tulipe, bien plus qu’une fleur, est une icône nationale. Et tout commence avec un bulbe. Enfoui sous la terre des polders, dans cette terre sableuse et drainée avec soin, il dort tout l’hiver, puis explose au printemps. Les cultivateurs — ces artistes discrets — préparent leurs champs avec une rigueur millimétrée. Tout est calibré, pensé, entretenu. Mais derrière cette géométrie végétale, il y a une passion farouche pour le beau. Introduite au XVIe siècle depuis l’Empire ottoman, la tulipe a vite enflammé les imaginations. Au XVIIe siècle, c’est la folie : la fameuse tulipomanie.

Certains bulbes rares se négocient plus cher qu’une maison à Amsterdam. Une bulle spéculative avant l’heure, fascinante et éphémère, mais le charme opère encore.

Aujourd’hui, les champs autour de Lisse déroulent leurs stries de couleurs pures comme un tapis de printemps jeté sur la terre.


Mais derrière cette explosion de vie, il y a aussi une mémoire plus grave, enfouie comme les bulbes. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque la famine frappait les Pays-Bas, les tulipes ont cessé d’être uniquement décoratives. Les bulbes furent bouillis, transformés en soupe pour survivre. Un mets de nécessité, farineux, amer, mais vital. Dans ces instants sombres, la fleur la plus élégante est devenue source de vie. Et cette histoire de résilience, enracinée dans la terre néerlandaise, flotte encore aujourd’hui entre les rangs fleuris.


En déambulant entre les massifs éclatants, je suis saisie par les effluves : une fragrance douce, subtile, presque sucrée. Ça sent la lumière, la rosée, l’enfance aussi. Un air de jardin de grand-mère dans un monde surdimensionné. Les abeilles bourdonnent, les enfants rient, les appareils photo capturent l’instant. Keukenhof n’est pas qu’un jardin, c’est une fête. Une scène naturelle où la beauté se joue sans artifice.

On y marche le cœur léger, les chaussures un peu terreuses et l’âme tapissée de pétales.







📸 CD & BT

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